Petite histoire du Taylorisme
La société industrielle, celle des maîtres de forges, le l'automobile, des biens d'équipement était, et reste encore aujourd'hui, fondée sur la production de série, et la consommation, dans le cadre d'une économie concurrentielle.
La nécessité d'une production de masse a ainsi nécessité une organisation scientifique du travail : avec l'avènement du Taylorisme, tous les problèmes de l'entreprise, y compris les problèmes humains, sont abordés sous un angle exclusivement technique.
Avec sa hiérarchie officielle, immédiatement perceptible, l'organisation n'est qu'une structure logique. Le travail parcellisé en tâches, souvent effectué sans compréhension, ne constitue pas vraiment une incitation à l'initiative et à l'esprit critique, fut-il constructif. D'ailleurs, le système était, par essence autoritaire.
Avec l'apparition et le développement des activités tertiaires, naît la gestion des ressources humaines, en lien avec les préoccupations stratégiques des chefs d'entreprises. Mais dans un environnement devenu complexe, émotionnel, celle-ci semble mise en échec notamment sur les aspects de gestion prévisionnelle des compétences et des emplois. L'approche individualisée s'impose, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise.
Mais deux siècles de société industrielle ne s'effacent pas ainsi. Aujourd'hui, les approches "rationnelles" et "complexes" coexistent, et s'affrontent parfois violemment. Si la mondialisation progresse, notamment par le biais des fusions, elle le fait de manière très mécaniste et rationnelle. À l'inverse, la "société de l'information" se développe sur la base d'exigences émotionnelles et individuelles.
Ces deux conceptions risquent de coexister encore longtemps. Mais le manager, comme tout individu, s'appuiera de plus en plus sur les technologies pour déléguer des tâches peu gratifiantes, le mettant en mesure de libérer son énergie créatrice, et générant de nouveaux besoins
d'ordre culturel notamment. Le manager atypique a clairement l'avenir devant lui.
L'économie de l'infini
Michel Saloff-Coste, président de MSC & Associés et auteur d'un ouvrage « le management du troisième millénaire » a participé au groupe de travail du CPA sur le sujet de manager atypique. Il a publié simultanément un article dans le n° 576 de Management & Conjoncture Sociale, dont nous vous livrons le résumé. Les conditions économiques actuelles semblent ouvrir de belles perspectives à tous les atypiques jusqu'à présent si souvent honnis.
Explications.
L'essentiel de la problématique économique s'est construit autour de la question des échanges et de la distribution d'un ensemble fini de biens : jusqu'à présent, c'est la rareté qui était le concept fondamental.
Avec l'informatisation, la robotisation, le développement de la société de l'information, la productivité est devenue excédentaire, renversant la logique de marché hier poussée par l'offre, et désormais conditionnée par une hypothétique demande. On estime ainsi, aujourd'hui, que la production automobile mondiale est excédentaire de 30%.
Plus les technologies avancées diffusent, et plus ce phénomène s'amplifie. La capacité de surproduction tend vers l'infini.
Parallèlement, une part croissante de l'économie consiste en des échanges uniquement digitaux, et cette immatérialité des flux informatiques bouleverse en profondeur les conceptions économiques traditionnelles. Car sur Internet, par exemple, un logiciel peut être démultiplié et distribué simultanément à des millions d'exemplaires, et à un coût marginal nul.
Dans ce cadre, plusieurs milliards d'individus pourraient théoriquement souhaiter simultanément le même produit... et être instantanément comblés. L'offre tend elle aussi vers l'infini.
L'économie du Virtuel ronge celle du réel
Ce choc du virtuel contre le réel provoque des bouleversements fondamentaux dont nous n'avons pas toujours pleinement conscience. Premier d'entre eux : la quasi disparition du risque d'inflation. Avec un nombre croissant de biens dont les coûts de production tendent vers zéro, et qui peuvent être démultipliés à l'infini, il est en effet possible d'envisager que le gonflement de la masse monétaire ne produise plus d'inflation... puisqu'il y aura toujours de nouveaux biens à acheter contre des billets.
C'est peut-être ce à quoi nous assistons actuellement dans le cadre de l'économie américaine, où la surchauffe et la croissance de la dette simultanées à l'expansion de la masse monétaire n'entraînent pas l'inflation que les économistes nous prédisent.
Au niveau de l'entreprise cela implique concrètement d'aller toujours plus vite, d'être toujours plus efficace, plus rusé, plus conquérant. Une véritable course à la création de valeur qui met les organisations sous tension, et renforce "l'instrumentalisation" de l'homme par l'homme. Celle-ci n'est pas vraiment une nouveauté : les esclaves furent historiquement les premiers à être instrumentalisés au service de leurs conquérants. Avec l'avènement de la société industrielle -autres temps, autres mœurs- l'ouvrier « vend sa vie contre un salaire ». Tout est en ordre.
Mais aujourd'hui, plus on instrumentalise pour créer de la valeur, et moins on obtient de résultat, puisque les produits immatériels sont reproductibles pratiquement à l'infini. Cela revient à une folle fuite en avant, ou à faire des bonds toujours plus grands... sur une peau de chagrin de plus en plus réduite.
La solution :sortir du cadre, car les valeurs s'inversent. Ce qui était autrefois dédaigné prend soudain toute sa valeur. Être authentique, génial, trouver son propre référent, sa propre loi, devient finalement la seule voie envisageable. Comme le fait tout créateur pour ses créations.
Mais au fait, comment dit-on déjà ? Ah oui, créateur d'entreprise ...
Vous doutez de la pertinence d'un rapprochement entre les sciences du Vivant et le management? Cet extrait d'un texte de Harvey J. Gold, un chercheur en modélisation des systèmes biologiques, pourrait peut-être vous faire changer d'avis.
Il faudrait à chaque fois vérifier le résultat d'un développement mathématique en le confrontant à sa propre intuition à l'égard de ce que doit être un comportement biologique raisonnable.
Lorsque cette confrontation révèle un désaccord, il faut alors envisager les possibilités suivantes:
a- une erreur s'est glissée dans le développement mathématique formel;
b- les hypothèses de départ sont incorrectes et/ou constituent une simplification trop brutale;
c- le chercheur a sur la biologie des idées incohérentes,
d- un nouveau principe fondamental vient d'être découvert.
Comment sélectionner et former un futur manager-éclair ? C'est l'une des questions que pose le groupe de travail du CPA. Car cette espèce en voie d'apparition ne semble pas être particulièrement encouragée dans un système éducatif français qui tendrait plutôt à pratiquer volontiers la « fermeture-éclair". Dans de nombreuses grandes écoles, notamment scientifiques, il faut bien constater que l'on apprend plus facilement à la future élite "à vérifier trois fois avant d'avancer" plutôt qu'à gérer l'incertitude.
Pourtant, éduquer signifie aussi donner confiance en soi, se libérer du regard des autres, enseigner l'art et la manière d'appréhender, d'évaluer et de prendre un risque. Mais les comportements intuitifs et les éclairs de génie n'ont pas véritablement droit de cité au pays de Descartes. Pour le groupe de travail du CPA « ces écoles de certitude doivent s'adapter à la nouvelle donne économique. Au delà de l'instruction, c'est sans doute tout le système éducatif qu'il s'agit de remettre à plat.» Voilà un diagnostic qui a le mérite de la clarté. Mais il risque fort de rencontrer des résistances. Car comme l'ont souligné nombre d'intervenants du colloque, l'enjeu majeur pour toute organisation est aujourd'hui le management du changement dans un environnement en mutation permanente.
Peut-être faudrait-il nommer un manager-éclair ministre de l'Éducation Nationale...
Maîtriser l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur l'entreprise suppose, pour les dirigeants, de mettre en œuvre quatre grands chantiers, comme l'ont mis en évidence la réflexion menée autour du "e"-management par le CPA.
1- Mettre en place des scénarios de rupture.
Le e-manager est avant tout capable de détecter les signaux faibles, les tendances nouvelles, d'anticiper leur impact sur l'environnement, et les opportunités qu'elles représentent pour son entreprise. Il a appris à décider avec peu ou, au contraire, énormément d'information. Sa méthode: le "lancer puis apprendre". Car pour gagner, il faut être le premier entrant sur un marché naissant.
2- Reconstruire l'entreprise autour de l'information.
Développer le e-marketing dans tous les domaines suppose, bien-sûr la création de sites de e-commerce, et d'hypersegmenter son offre pour une clientèle de plus en plus exigeante et infidèle. Outil de vente, le site Web est aussi le moyen de mieux connaître sa clientèle de cerner l'évolution de ses attentes, et donc de se mettre en position de fidéliser clients et prospects.
Mais repenser l'entreprise et l'organiser au tour de la gestion des flux d'information couvre bien d'autres aspects. Le e-manager a appris à restructurer toute la chaîne de création de valeur de l'entreprise. Il sait utiliser les nouveaux outils afin de gérer en temps réel les relations avec les partenaires et sous-traitants, auxquels il n'hésite pas à faire appel lorsqu'ils lui garantissent la meilleure gestion d'une tâche spécifique.
Il a compris la valeur intrinsèque de l'information. Il cherche à la rendre accessible à ses collaborateurs, au moment où ils en ont besoin.
Au delà, il dispose des outils lui d'interagir avec les acteurs-clef du marché de l'entreprise.
3- Organiser des équipes réactives
Est-ce la fin du modèle hiérarchique? Pas tout à fait, car il faudra toujours un centre de décision, une vision, une stratégie et des objectifs clairs. Mais le succès de l'entreprise passe aujourd'hui par la mise en place d'équipes "commando" pour la gestion de projets.
Dans ce cadre, le e-manager veille à la cohérence des acteurs... et à ce que le client reste au cœur des préoccupations de tous. Le "Customer First" est, plus que jamais à l'ordre du jour.
4- Faire confiance à la "Net Generation"
Les Net preneurs l'ont compris: la nouvelle génération est pleine d'idées, et compétente, justement parce qu'elle s'est construite autour d'une culture de zapping, de valeurs d'indépendance et de réalisation personnelle. Un des enjeux essentiels est de l'intégrer à l'entreprise et de la faire cohabiter avec d'autres profils, des cultures différentes. la principale richesse de l'entreprise demeure les hommes qui la composent.
Qu'est-ce qu'un e-manager, pour vous?
Tout d'abord, il faut avoir compris que le déferlement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, la complexité croissante de l'environnement de l'entreprise, l'éclatement des structures traditionnelles sont certes des contraintes, mais aussi de fantastiques opportunités de développement et de croissance.
Le e-manager a appris à décider rapidement, grâce à une maîtrise des flux d'information, dans son entreprise comme à l'extérieur, basée sur des outils performants, qu'il cherche sans cesse à optimiser.
Ses valeurs essentielles: adaptation, anticipation, créativité et rigueur. Son obsession: la satisfaction client, car il sait qu'un acheteur mécontent le fait savoir à 30 personnes de son entourage, quand un client satisfait l'indiquera à une ou deux personnes. À l'heure où l'information circule quasi-instantanément, c'est un fait que l'on ne doit jamais perdre de vue.
Quel est l'impact d'un tel fonctionnement sur l'organisation de l'entreprise?
Tirer parti des nouvelles technologies suppose une capacité à gérer les aspects techniques, mais aussi, et c'est sans doute l'essentiel, humains. Car c'est en s'appuyant sur la compétence et la créativité de ses collaborateurs, regroupés au sein d'équipes projet réduites, à l'esprit commando, que l'entreprise batit aujourd'hui ses succès de demain.
Qui aurait pu prédire, quinze ans après la mise au point de la technologie Jet d'encre par les laboratoires HP, que cette activité serait la troisième de notre groupe dans le monde en termes de CA? Personne!
Pourtant, à l'époque, nous avions pris le risque de l'échec.
Mais c'est un risque que le e-manager doit accepter de prendre. Car la principale richesse de l'entreprise reste la créativité de ses collaborateurs. C'est cet esprit pionnier que nous cherchons à maintenir et développer chez HP.
Il s'agit, en quelque sorte, de mettre l'imagination au pouvoir.
Et ce message, les 15-35 ans aguerris aux nouvelles technologies, qui constituent la "Net Generation", le comprennent parfaitement. Nous devons leur faire confiance, échanger avec eux, partager nos idées. Car ce sont eux qui bâtissent notre futur.
Partenaires, salariés, actionnaires, fournisseurs, institutions, consommateurs, sociétés civiles de différents pays... Le manager doit, à l'heure de la mondialisation, entretenir des relations avec des publics très différents, aux attentes variées et parfois contradictoires. Réussir à créer du sens, à concilier les différents points de vue, tout en améliorant la performance de l'entreprise passe, selon le groupe de travail du CPA, par le respect de quatre valeurs fondamentales : l'honnêteté, la transparence, la conviction, et le respect de l'autre.
C'est sur ce socle que semblent pouvoir être assumées les missions du manager vis-à-vis de la communauté d'acteurs complexe avec laquelle il est amené à travailler. Car comment rendre la démarche éthique contagieuse autrement que par l'exemple de son comportement personnel quotidien ?
Et au delà, comment susciter des règles claires, dans la transparence, sans respect de l'autre et de soi-même ? Cela signifie en particulier accepter les bilans professionnels, les évaluations, la collégialité. Et pour les accepter vraiment, pas seulement dans le discours, cela suppose connaissance de soi, et prise de recul. Avec l'émergence de l'exigence éthique, c'est tout le fonctionnement de l'entreprise en réseau qu'il faut repenser.
Le groupe de travail du CPA a présenté 5 recommandations à l'attention des dirigeants d'entreprise et aux représentant s de la société dans son ensemble afin de favoriser l'émergence de nouveaux types de management plus féminins.
1- Faire confiance aux femmes
Donner l'opportunité aux femmes de mettre leur sens de l'efficacité et leurs compétences au service de l'entreprise est un moyen essentiel de promotion des valeurs féminines. Mais cela n'est possible qu'avec une volonté forte de permettre aux femmes d'exercer des postes direction. C'est seulement ainsi qu'elles atteindront un seuil significatif permettant d'insuffler de nouvelles valeurs.
2- Assumer le devoir d'exemplarité qui s'impose à tout dirigeant.
Dans un contexte de mutation, alors que les dirigeants souhaitent voir évoluer les comportements managériaux de leurs équipes, seule l'exemplarité est crédible. Cema vaut en particulier pour la promotion des qualités féminines.
3- Repenser les modes d'évaluation interne
Bien souvent ceux-ci sont en retard par rapport aux objectifs affichés en termes de fonctionnement de l'entreprise. En particulier, il s'agit de valoriser les compétences relationnelles et de développer la gestion par compétences.
4- Ouvrir le management aux valeurs féminines
Cela passe :
- par la valorisation de la réussite professionnelle des femmes
- par la reconnaissance de la richesse et de l'efficacité des qualités féminines des dirigeants
- par la solidarité apportée à d'autres femmes par les femmes managers.
5- Organiser la vie sociale pour que l'équilibre vie privée/vie professionnelle ne repose pas seulement sur les femmes
Les valeurs féminines n'émergeront vraiment que si les femmes s'imposent comme des acteurs reconnus de la vie de l'entreprise. Il faut donc poser la question de la parité dans la vie professionnelle et publique.
Fabio a 43 ans. Il est Italien, marié à une Autrichienne. Il a fait ses études secondaires aux États-Unis mais - son mariage n'y est sans doute pas pour rien - est allé faire ses études supérieures à Salzbourg. Par la suite, il a complété sa formation par un MBA à New-York, travaillant parallèlement dans un grand cabinet de conseil et d'audit financier. Ensuite (peut-être le mal du pays...) il est retourné à Milan pour s'intéresser d'un peu plus près au marketing automobile. Mais cela ne constituait qu'une étape pour lui.
Il s'est donc installé un temps à Genève où il a travaillé dans le secteur du tabac, avant de repartir en direction de New York, en tant que Directeur du marketing international pour une multinationale du secteur alimentaire.
Aujourd'hui, il est revenu en Italie où il dirige plusieurs entreprises de luxe. Mais il n'est pas exclu qu'il vienne bientôt s'installer à Paris. Cela ne devrait pas poser trop de problème car Fabio parle 5 langues couramment, dont le Français.
Fabio vous donne le tournis? Pourtant il existe bel et bien. Selon Denis Sesboüé, qui le suit depuis un certain temps dans le cadre de son activité de "chercheur de tête", « Fabio est l'archétype de ce que les entreprises américaines appellent un dirigeant d'envergure internationale ou un manager mondial. C'est cette capacité à s'adapter, à comprendre des points de vue différents, à jouer sur les différences culturelles qui fait sa force».
Pour résumer, on pourrait dire de Fabio qu'il est aussi à l'aise dans le vaste monde, que dans les villages qu'il visite.